z roku 1592, 28. března. 39
Et certes n'estvit icelle mienne inclination qui, me representant sans cesse
Phonneur et le debvoir devant les yeus, me garde de lächer la bride à mes pas-
sions particulieres et me faict surmonter et atterrer toutes les envies tendantes
à encontre d’icelle, ie pense que ie n'arresteroy gueres à m'oster hors de ce regne
de confusion et de presomption, et me transporter en lieu auquel ie vivroy avec
plus de repos et de corps et d'ame et avec plus de dignité que ie n'ay fay ici:
mais comm’ il n’y à plus belle victoire au monde que de se vaincre soy mesmes,
aussi me veus-ie esvertuer de soustenir et repousser tous les efforts qui me pour-
royent faire plier et consentir à ce à quoy ie suis sollicité incessament par divers
moyens, et temporiseray, tandis que l'heure que i'ay choisie et destinée pour la fin
de mes eunuys soit venue, laquelle i'attend en tres grande devotion.
J'estime, monsieur, que vous ne vous aurez point attendu d'avoir à recevoir
une telle nouvelle comme ceste-ci. veu ce que nous en avons discouru aultresfois,
et de moy ie ne la vous auroy point envoyée, n'estoit l'amitié qui est entre nous
deux, laquelle me commande de ne vous rien taire. Mais si ie pénsoy, ce qui toutes-
fois ne peult entrer en mon coeur, que la confiance que ay en vous deust estre
occasion de me faire précipiter en quelque malheur. comm’ il pourroit arriver lorsque
vous auriez publié çe que ie vien de poser en vostre sein, non seulement ie vous
renonceroy l’amitié à jamais. mais mauldiroy le iour auquel i'auroy commencé aimer
la Trance et les Francois. Mais ie suis certain que vous ne m'estez point si peu
affectionné que de vouloir estre cause de ma ruine, et pourtant vous supplie de
mettre la presente au feu, de peur qu’elle ne tombe point entre les mains de per-
sonne qui eust moins de bonté et de prudence que vous.
Au demeurant ie vous avvise que nous sommez devant loan, oit nous n'avons
encor rien faict iusques à present. et n'y fairons rien. de nostre vie, si nous nallous
aultrement en besogne.
Le roy a peu deforçes, toutesfois il peult avoir environ dix mill’ hommes
de pied estrangers, mais point de Francois. Dans la ville il y a beaucoup de gens,
mais qui, à çe qu’on dict, commençent endurer des neçessités. Il court quelque bruit
du retour du duc de Parme, lequel après avoir repassé la rivière de Somme s'est
tousiours tenu cs environs de Rue; s’il vient, ie presume que le roy luy ira au
devant pour tacher à le combattre; s'il ne vient point, Roan pourra estre a nous.
Le conte des Soissons s'en est allé, les uns disent pour espouser madame. les
aultres pour se rendre chevf du tiers-parti qu'ils appellent, et faire la guerre à ces
de la religion. Dieu face que le tout tourne à bien, lequel ie prie, monsieur, vous
donner laccomplissement de tous vos desirs. Du camp devant Roan le 28 de Mars
Ian 92.
Archiv Bludovsky, MS. ¢. 4134 pag. 243.