Dependency Tree

Universal Dependencies - Middle_French - PROFITEROLE

LanguageMiddle_French
ProjectPROFITEROLE
Corpus Parttest

Select a sentence

Showing 1 - 100 of 511 • previousnext

s-1 Du temps de sa jeunesse ne scauroye parler, sinon par ce que je luy en ay ouy parler et dire ;
s-2 mais, depuis le temps que je veins en son service, jusques à l'heure de son trespas, j'estoye present, ay faict plus continuelle residence avec luy que nul autre, de l'estat à quoy je le servoye, qui, pour le moins, a tousjours esté de chambellan, ou occuppé en ses grans affaires.
s-3 En luy et tous autres princes que j'ay congneuz ou servy, ay congneu du bien et du mal,
s-4 car ilz sont hommes comme nous.
s-5 A Dieu seul appartient la perfection.
s-6 Mais quant en ung prince la vertu et bonnes condicions precèdent les vices, il est digne de grand louenge, veu qu'ilz sont plus enclins a toutes choses voluntaires que autres hommes, tant pour la nourriture et petit chastoy qu'ilz ont eu en leurs jeunesses que pour ce que, venans en l'aage d'homme, la pluspart des gens taschent à leur complaire et à leurs complexions et condicions.
s-7 Et pour ce que je ne vouldroye point mentir, se pourroit faire que, en quelque endroit de cest escript, se pourroit aulcune chose trouver qui du tout ne seroit à sa louenge.
s-8 Mais j'ay esperance que ceulx qui le liront considereront les raisons dessusdictes ;
s-9 et tant osé - je bien dire de luy, à son loz, qu'il ne me semble pas que jamais j'aye congneu nul prince il y eust moins de vices que en luy, à regarder le tout.
s-10 Si ay - je eu autant de congnoissance de grans princes et autant de communication avecques eulx que nul homme qui ait regné en France de mon temps, tant de ceulx qui ont regné en ce royaulme que en Bretaigne et en ces parties de Flandres, en Allemaigne, Angleterre, Espaigne, Portugal et Italie, tant seigneurs temporelz que spirituelz, et de plusieurs dont je n'ay eu la veue, mais congnoissance par communications de leurs ambassades, par lettres et par leurs instructions,
s-11 par quoy on peult assez avoir d'informations de leur nature et condicion.
s-12 Toutesfois ne pretendz en riens, en le louant en cet endroit, diminuer l'honneur ne bonne renommée des aultres,
s-13 mais vous envoye ce dont promptement m'est souvenu, esperant que vous le demandez pour le mectre en quelque oeuvre que vous avez intention de faire en langue latine dont vous estes bien usité ;
s-14 par laquelle oeuvre se pourra congnoistre la grandeur du prince duquel vous parleray, et aussi de vostre entendement.
s-15 Et je fauldroye, trouverez monsr de Bochage et autres qui myeulx vous en sçauront parler et le coucher en meilleur langaige que moy.
s-16 Mais pour obligation d'honneur et grans privaultéz et biensfaictz, sans jamais interrompre jusques à la mort que l'un ou l'autre n'y feust, nul n'en devroit avoir meilleure souvenance que moy, et aussi pour les pertes et douleurs que j'ay receues depuis son trespas, qui est bien pour estre revenu à ma memoire les graces que j'ay receues de luy, combien que c'est chose acoustumée que, après le decès de si grand et puissant prince, les mutations soyent grandes,
s-17 et y ont les ungs pertes, et les autres gaing.
s-18 Car les biens ne les honneurs ne se despartent point à l'appetit de ceulx qui les demandent.
s-19 Et pour vous informer du temps dont ay eu congnoissance dudit seigneur, dont faictes demande, m'est force de commancer avant le temps que je veinse en son service ;
s-20 et puis, par ordre, je suyvray mon propos jusques à l'heure que je devins son serviteur,
s-21 et continueray jusques à son trespas.
s-22 Au saillir de mon enfance et en l'aage de povoir monter à cheval, fus amené à Lisle devers le duc Charles de Bourgoigne, lors appellé conte de Charroloys, lequel me print en son service,
s-23 et fut l'an mil quatre cens soixante quatre.
s-24 Quelque trois jours après, arrivèrent audit lieu de Lisle les embassadeurs du roy, estoit le conte d'Eu, le chancellier de France appelé Morvilier et l'evesque de Narbonne ;
s-25 et, en la presence du duc Philippe de Bourgongne et dudit conte de Charroloys et tout leur conseil à huys ouverts, furent ouys lesdits embassadeurs,
s-26 et parla ledict Morvillier fort arrogamment, disant que ledict conte de Charroloys avoit fait prendre, luy estant en Hollande, ung petit navire de guerre, party de Dieppe, auquel estoit un bastard de Rubempré,
s-27 et l'avoit faict emprisonner, luy donnant charge qu'il estoit venu pour le prendre et que ainsi l'avoit fait publier partout, et par especial à Bruges, hantent toutes nations de gens estranges, par ung chevalier de Bourgongne appellé messire Olivier de la Marche.
s-28 Pour lesquelles causes, ledit roy, soy trouvant chargé de ce cas ( contre verité, comme il disoit ), requeroit audit duc Philippe que ce messire Olivier de la Marche luy fust envoyé prisonnier à Paris pour en faire la pugnition telle que le cas le requeroit.
s-29 A ce point leur respondit le duc Philippes que messire Olivier de la Marche estoit de la conté de Bourgongne, et son maistre d'hostel, et en riens subgect à la couronne ; toutesfois, que s'il avoit dit ne faict chose qui fust contre l'honneur du roy et que ainsi le trouvast par information, qu'il en feroit la pugnition telle que ou cas appartiendroit ; et que, au regard du bastard de Rubempré, il est vray qu'il estoit prins pour les signes et contenances que avoyent ledict bastard et ses gens à l'environ de la Haye en Holande, pour lors estoit sondict filz, conte de Charroloys, et que si ledict conte estoit suspessonneux, il ne le tenoit point de luy, car il ne le fut oncques, mais le tenoit de sa mère, qui avoit esté la plus suspessonneuse dame qu'il eust jamais congneue ; mais, nonobstant que luy, comme dit est, n'eust jamais esté suspessonneux, s'il se fust trouvé, au lieu de son filz, à l'heure que ce bastard de Rubembré regnoit ès environs, qu'il l'eust fait prendre, comme il avoit esté, et que se ledict bastard ne se trouvoit point chargé d'avoir voulu prendre son filz, comme l'on disoit, que incontinent le feroit delivrer et le renvoyeroit au roy, comme ses embassadeurs le requeroyent.
s-30 Après recommença ledict Morvillier en donnant grandes et deshonnestes charges au duc de Bretaigne appellé François, disant que ledict duc et ledict conte de Charroloys present, estant ledict conte de Charroloys à Tours, devers le roy, il l'estoit allé veoir, avoyent baillé seelléz l'ung à l'autre en se faisant frères d'armes.
s-31 Et s'estoient bailléz lesdictz seelléz par la main de messire Tannneguy du Chastel, qui depuis a esté gouverneur de Roussillon et en auctorité en ce royaulme.
s-32 Et faisoit ledict Morvilier ce cas si enorme, si crimineux, que nulle chose qui se peult dire à ce propos pour faire honte et vitupère à ung prince il ne dist.
s-33 A quoy ledict conte de Charroloys, par plusieurs fois, voulut respondre comme fort passionné de ceste injure qui se disoit de son amy et allyé.
s-34 Mais ledict Morvillier luy rompoit tousjours la parolle, disant ces mots :
s-35 « Monsr de Charroloys, je ne suys pas venu pour parler à vous, mais à monsr vostre père. »
s-36 Ledict conte supplia par plusieurs foys à son père qu'il peust respondre,
s-37 lequel luy dit :
s-38 « J'ay respondu pour toy, comme il me semble que père doit respondre pour filz.
s-39 Toutesfoys, si tu en as si grand envie, penses y aujourduy,
s-40 et demain dy ce que tu vouldras. »
s-41 Encores disoit ledict Morvillier qu'il ne povoit penser qui avoit meu ledict conte de prendre ceste alliance avecques ledict duc de Bretaigne, sinon une pension que le roy luy avoit donné avec le gouvernement de Normandie que le roy luy avoit osté.
s-42 Le lendemain, à l'assemblée et en la compagnie des dessusdicts, ledict conte de Charroloys, le genouil en terre sur ung carreau de veloux, parla à son père premier
s-43 et commença de ce bastard de Rubempré, disant les causes estre justes et raisonnables de sa prinse et qu'il se monstreroit par procès.
s-44 Toutesfois, je croy qu'il ne s'en trouva jamais riens,
s-45 mais estoyent les suspessons grandz,
s-46 et le vey delivrer d'une prison il avoit esté cinq ans.
s-47 Après ce propos, commença à descharger le duc de Bretaigne et luy aussi, disant qu'il estoit vray que ledict duc de Bretaigne et luy avoyent prins alliance et amitié ensemble et qu'ilz s'estoient faitz frères d'armes, mais en riens n'entendoyent cette alliance au prejudice du roy et de son royaulme, mais pour le servir et soustenir, se besoing en avoit ; et que, touchant la pension qui luy avoit esté ostée, que jamais n'en avoit eu que ung quartier montant neuf mil francs, et que jamais n'avoit requis ladicte pension ne le gouvernement de Normandie ; et que moyennant qu'il eust la grace de son père, il se povoit bien passer de tous autres biensfaictz.
s-48 Et croy bien que, si n'eust esté la craincte de sondict père, qui estoit present et auquel il adressoit sa parolle, qu'il eust beaucoup plus asprement parlé.
s-49 La conclusion dudit duc Philippes fut fort humble et saige, suppliant au roy ne vouloir legierement croire contre luy ne son filz et l'avoir tousjours en sa bonne grace.
s-50 Après fut apporté le vin et les espices
s-51 et prindrent les embassadeurs congié du père et du filz.
s-52 Et quant ce vint que le conte d'Eu et chancellier eurent prins congié dudit conte de Charroloys, qui estoit assez loing de son père, il dist à l'evesque de Narbonne, qu'il veit le dernier :
s-53 « Recommandez moy très humblement à la bone grace du roy,
s-54 et luy dictes qu'il m'a bien faict laver ici par ce chancellier, mais que, avant qu'il soit ung an, il s'en repentira. »
s-55 Ledict evesque de Narbonne feit ce messaige au roy, quand il fut de retour, comme vous entendrez cy après.
s-56 Ces parolles engendrèrent grand hayne dudict conte de Charroloys au roy, avec ce qu'il n'y avoit guères que le roy avoit rachapté les villes de dessus la rivière de Somme, comme Amyens, Abeville, Saint Quentin et autres, baillées par le roy Charles Viiè audict duc Philippe de Bourgongne par le traictié qui fut fait à Arras, pour en joyr par luy et ses hoirs masles, au rachapt de quatre cens mille escus.
s-57 Toutesfois, ledit duc se trouvant en sa vieillesse, furent conduyctz tous ses affaires par monsr de Crouy et de Chimay, frères, et autres de leur maison :
s-58 reprint son argent du roy
s-59 et restitua lesdictes terres, dont ledict conte, son filz, fut fort troublé,
s-60 car c'estoient les frontières et limytes de leurs seigneuries,
s-61 et y perdoient beaucoup de subjectz, bonnes gens pour la guerre.
s-62 Il donnoit charge de ceste matière à ceste maison de Crouy ;
s-63 et venant son père, le duc Philippes, à l'extrème vieillesse, dont ja estoit près, il chassa tous lesdictz de Crouy hors du pays de son père,
s-64 et leur osta toutes les places et choses qu'ilz tenoyent entre leurs mains.
s-65 Bien peu de jours après le partement des embassadeurs dessusdicts, vint à Lisle le duc de Bourbon, Jehan, dernier mort, faignant venir veoir son oncle, lequel entre toutes les maisons du monde aymoit cette maison de Bourbon.
s-66 Ce dict duc de Bourbon estoit filz de la seur dudict duc Philippes, laquelles estoit veufve longtemps avoit, et estoit avec ledict duc son frère et plusieurs de ses enfans, comme troys filles et ung filz.
s-67 Toutesfois, l'occasion de la venue dudict duc de Bourbon estoit pour gaigner et conduyre ledict duc de Bourgongne de consentir mectre sus une armée en son pays, et que semblablement feroient tous les autres princes de France, pour remonstrer au roy le mauvais ordre et justice qu'il faisoit en son royaulme ;
s-68 et vouloient estre fors pour le y contraindre s'il ne se vouloit renger ;
s-69 et fut ceste guerre depuis appellée le bien publicque, pour ce qu'elle s'entreprenoit soubz couleur de dire que c'estoit pour le bien publicque du royaulme.
s-70 Ledict duc Philippes, qui, depuis sa mort, a esté appellé le bon duc Philippes, consentit que on mist sus des gens,
s-71 mais le neu de ceste matière ne luy fut jamais descouvert
s-72 ny ne s'attendoit point que les choses vinssent jusques à la voye de faict.
s-73 Incontinent se commencèrent à mectre sus les gens
s-74 et vint le conte de Sainct Pol, depuis connestable de France, devers ledict conte de Charroloys, à Cambray, pour lors estoit ledict duc Philippes ;
s-75 et luy joinct audict lieu et le mareschal de Bourgongne, qui estoit de la maison de Neufchastel, ledict conte de Charroloys feist une grande assemblée de gens de conseil et autres des gens de son père en l'hostel de l'evesque de Cambray,
s-76 et declaira tous ceulx de la maison de Crouy ennemys mortelz de son père et de luy, nonobstant que le conte de Sainct Pol eust donné sa fille en mariage au seigneur de Crouy longtemps avoit,
s-77 mais il disoit y avoir esté forcé.
s-78 En somme, il faillut que tous fuyssent des seigneuries du duc de Bourgongne
s-79 et perdirent beaucoup de meubles.
s-80 De tout cecy despleut bien au duc Philippes, lequel avoit pour premier chambellan ung qui depuis s'est appellé monsr de Chimay, homme jeune et très bien condicionné, nepveu du seigneur de Crouy, lequel s'en alla sans dire adieu à son maistre, pour la craincte de sa personne :
s-81 autrement eust esté tué ou prins,
s-82 car ainsi luy avoit - il esté declairé.
s-83 L'ancien aage dudict duc Philippes luy feit endurer patiemment,
s-84 et toute ceste declaration qui se fist contre ses gens fut à cause de la restitution de ses seigneuries situées sur la rivière de Somme, que le duc Philippes avoit rendues audict roy Loys pour la somme de quatre cens mille escus.
s-85 Et chargeoit ledict conte de Charroloys ceulx de ceste maison de Crouy d'avoir fait consentir au duc Philippes cette restitution.
s-86 Ledict conte de Charroloys se radoba avec son père le mieulx qu'il peut.
s-87 Et incontinent mist ses gens d'armes aux champs et en sa compagnie ledict conte de Sainct Pol, principal conducteur de ses affaires et le plus grand chef de son armée.
s-88 Et povoit bien avoir troys cens hommes d'armes et quatre mille archiers soubz sa charge,
s-89 et avoit beaucoup de bons chevaliers et escuyers des pays d'Artoys, de Henault et de Flandres soubz ledict conte par le commandement dudict conte de Charroloys.
s-90 Semblables bendes et aussi grosses armées avoient monsr de Ravastin, frère du duc de Clèves, et messire Anthoine, bastard de Bourgongne, lesquelz avoyent esté ordonnéz pour les conduyre.
s-91 D'autres chefz y avoit - il, que je ne nommeray pas pour ceste heure pour briefveté.
s-92 Et entre les autres y avoit deux chevaliers qui avoyent grand credit avec ledict conte de Charroloys.
s-93 L'un estoit le seigneur de Hautbourdin, ancien chevalier, frère bastard dudict conte de Sainct Pol, nourry es anciennes guerres de France et d'Angleterre, au temps que le roy Henry d'Angleterre, cinquiesme de ce nom, regnoit en France et que le duc Philippes estoit joinct avecques luy et son allyé.
s-94 L'autre avoit nom le seigneur de Contay, qui semblablement estoit du temps de l'autre.
s-95 Ces deux estoyent très vaillans et saiges chevalliers
s-96 et avoyent la principalle charge de l'armée.
s-97 Des jeunes y avoit - il assez.
s-98 Entre les autres ung fort bien renommé appellé messire Philippes de Lalain, qui estoit d'une race dont peu s'en est trouvé qui n'ayent esté vaillans et courageux, et presque tous mortz en servant leurs seigneurs en guerre.
s-99 L'armée povoit estre de quatorze cens hommes d'armes mal arméz et mal adroitz,
s-100 car long temps avoyent esté ces seigneuries en paix,

Text viewDownload CoNNL-U